Compte tenu de la situation économique dans les pays développés, et des prévisions de la quasi-totalité des économistes, pour au moins la décennie à venir, compter sur la croissance pour résoudre tous nos maux ne revient-il pas à croire au Père Noël ?
Après la bulle internet, la bulle immobilière, la bulle sur les matières premières… et les périodes de stagnation-récession qui suivent chacune de ces périodes, quel sera le prochain objectif des spéculateurs du marché ?
Comment ne pas voir que la régulation de l’économie par le seul marché (la fameuse « main invisible ») provoque bien l’enrichissement de quelques-uns… mais surtout la précarité pour la grande majorité des citoyens ? Il est temps que le politique reprenne le rôle de régulation et de redistribution des richesses qu’il n’aurait jamais dû abandonner.
Pour cela, il nous faut une politique volontariste : c’est une évidence, la faible croissance attendue dans tous les pays développés ne fera pas disparaître le chômage dans les années à venir. Arrêtons de croire aussi que l’effet démographique sera la solution : on voit aujourd’hui que la légère baisse du chômage enregistrée ces derniers mois n’était due essentiellement qu’à des départs anticipés de travailleurs inquiets pour l’avenir. Et, a contrario, l’allongement de la durée des cotisations (alors même que le maintien en activité de ceux qu’on appelle les seniors tient plus d’un voeu pieu que d’une réalité dans les entreprises) risque de remettre dans le circuit… des travailleurs aux revenus faibles qui deviendront ensuite des retraités pauvres !
Non, décidément ce n’est sûrement pas sur la croissance qu’il faut tout miser (comme le propose la majorité des politiques de droite, mais aussi, malheureusement, de gauche) pour résoudre les problèmes de nos pays développés, notamment le chômage et, par voie de conséquence, le pouvoir d’achat du plus grand nombre. « Travailler plus ou travailler tous », finalement la question, qui semblait tranchée il y a quelques mois, pourrait bien revenir d’actualité plus rapidement qu’on ne le croyait !
Dans les pays qu’on nous cite systématiquement en exemple, pour leur législation sociale incitant soi-disant au travail, la situation ne semble déjà plus aussi idyllique qu’elle pouvait apparaître ces dernières années : très fortes revendications salariales en Allemagne où, si le chômage officiel est tombé en dessous du seuil symbolique des 4 millions, ce sont 6 millions des salariés qui ne travaillent que 15 heures par semaine, développement dramatique également du travail partiel et précaire pour une grande partie de la population en Angleterre, économie à la limite de la récession en Espagne suite à l’explosion de la bulle immobilière (une de ces fameuses bulles !)
Alors, finalement, la réduction du temps de travail, si ringardisée aujourd’hui (si peu défendue malheureusement par les ténors du PS), le sera-t-elle encore demain ? Les 35 heures n’étaient, au départ, qu’une étape. Aujourd’hui la semaine de 4 jours, initiée par la loi Robien ( !) est déjà une réalité dans plus de 400 entreprises : Fleury-Michon, Mamie-Nova, mais aussi des centaines de PME inconnues : à partir de l’effet sur l’emploi observé chez ces 400 pionniers (de taille et de métier très différents), une étude du ministère du Travail estimait en 1997 qu’un mouvement général vers les 4 jours créerait 1 600 000 emplois en CDI (sans parler des métiers émergents autour du temps libre et de l’impact sur la croissance qu’aurait la création de 1 600 000 emplois en CDI).
Financée par une exonération des cotisations Unedic (mieux vaut créer des emplois que payer des chômeurs !), conditionnée par des créations d’emplois à hauteur de 10 % (ce qu’avait « oublié » de faire la gauche avec la loi Aubry 2)… la semaine de 4 jours est viable ! (voir www.nouvellegauche.fr de Pierre Larrouturou). Sa faisabilité pratique est attestée par la réussite des entreprises citées ci-dessus. Alors, si le chantier est énorme, la situation présente nous impose une vraie remise en question et le besoin d’inventer autre chose que les solutions libérales actuelles qui n’amènent que précarité et disparité de plus en plus forte des revenus.
Et s’il fallait un dernier argument pour défendre la réduction du temps de travail, il nous est offert par la droite. Ce n’est pas par hasard que Nicolas Sarkozy et ses amis concentrent leurs critiques les plus vives sur la question du temps de travail. Aucun autre outil, utilisé par la gauche, n’est critiqué avec autant de vigueur ! Pourquoi cette violence dans les critiques contre la RTT ? C’est sans doute parce que si elle était bien négociée, une forte RTT serait un moyen très puissant de rééquilibrer le marché du travail et donc de renforcer le camp des salariés dans la négociation sur les salaires.
Et ça, la droite ne le veut évidemment pas ! Reste à savoir si la gauche de gouvernement, et notamment le PS, pense encore qu’il puisse exister des solutions autres que celles consistant à apposer quelques « rustines sociales » sur les politiques libérales !
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